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A Vienne, Evo Morales défend la feuille de coca devant l'ONU

LEMONDE.FR | 12.03.09 | 20h00  •  Mis à jour le 12.03.09 | 20h00

evant les responsables d'une cinquantaine de pays réunis depuis mercredi à Vienne, en Autriche, pour la 52e conférence de la commission des stupéfiants de l'ONU, le président bolivien Evo Morales n'a pas pris de gants. En prononçant un discours, jeudi 12 mars, M. Morales a sorti une feuille de coca, plante de laquelle est issue la cocaïne, et l'a mâchée, demandant son retrait de la liste des substances interdites.

"La feuille de coca n'est pas de la cocaïne, a expliqué le président bolivien, par ailleurs leader syndical des cultivateurs de coca dans son pays. Elle n'est pas nocive pour la santé, elle n'engendre pas de perturbations psychiques ni de dépendance." Il a ensuite égrené ses arguments : les feuilles de cette plante sont cultivées depuis "trois mille ans avant Jésus-Christ", elles ont un caractère "sacré" en Bolivie, où elle sont mâchées ou infusées. Qui plus est, il a lui-même consommé de la coca "pendant dix ans". "Si les effets étaient tels qu'on les décrit, je ne serais jamais devenu président de la République, s'est-il amusé. Si c'est une drogue, alors vous devez me mettre en prison." La feuille de coca est, depuis de nombreuses années, un casus belli entre le gouvernement bolivien et Washington, qui veut éradiquer sa culture dans la région andine, où près de dix millions de personnes l'utilisent.

ÉCHEC DES POLITIQUES ANTI-DROGUE DEPUIS DIX ANS

La sortie d'Evo Morales intervient à un moment où les Nations unies laissent entendre que leur politique anti-drogue pourrait être entièrement revue. Mardi, un rapport indépendant, commandé par la Commission européenne, arrivait à la conclusion que, depuis dix ans, la lutte mondiale contre la drogue a été un échec. Le levier répressif a été particulièrement mis en cause par les experts qui ont rédigé ce rapport. "La majorité des dommages observés proviennent des politiques menées, plutôt que des drogues elles-mêmes", a résumé Peter Reuter, professeur à l'Université du Maryland, soulignant que les prix des drogues dans le monde "ont chuté de pas moins de 10 à 30 % depuis 1998". Toutefois, aucune recommandation n'a été faite par les auteurs, qui précisent qu'"il appartient désormais aux gouvernements de tirer des conclusions".

A Vienne, les constats d'échec se sont succédé. L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Onudc) a reconnu que la politique onusienne avait indirectement conduit à la création d'"un marché criminel autour du trafic de drogue d'une valeur estimée de 300 milliards de dollars (233 milliarsd d'euros) par an". Son président, Antonio Maria Costa, a demandé que "la santé [soit] au centre des politiques anti-drogue", ce qui implique qu'elle n'était que périphérique jusqu'ici. "Nous avons besoin de faire respecter les lois, mais le point le plus important est de replacer la santé, la prévention, les traitements au centre des politiques anti-drogue. Ce n'est pas le cas dans beaucoup de pays", a-t-il enfin conclu.

Des possibilités comme la dépénalisation de certaines drogues ou le financement de produits de substitution à une grande échelle sont évoquées ici ou là, mais ont été rapidement écartées car elles ne font pas l'unanimité. "Il faut que l'on apprenne à vivre avec les drogues", a par exemple confié à El Pais le Brésilien Rubem Cesar Fernandes, membre de la commission latino-américaine sur les drogues et la démocratie, qui participe au sommet. "La réduction des risques doit être une partie d'une solution (...), mais elle ne peut se faire aux dépens d'autres mesures ou remplacer d'autres mesures", a souligné fermement l'Onudc.
Acrerune | 3/13/2009
KarmaOS